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Laurent COCAULT

Une image vaut mille mots

Il ne se passe pas un mois sans que, sur l'un de mes projets, la question de l'équilibre entre texte et illustrations sur mes planches de présentation ne se pose. Ce mois de février ne fera pas exception; après avoir soumis une proposition de présentation très largement portée par des diagrammes, la suggestion d'y incorporer davantage de texte m'a été faite. Suivant le proverbe confucéen "une image vaut mille mots", je privilégie en général des contenus de présentations bien plus graphiques que textuels. Et ce pour deux raisons:

  • D'une part, parce le sens porté par une image bien construite est plus vite saisi par le lecteur, et avec un effort intellectuel moindre, qu'un texte portant un contenu équivalent.
  • D'autre part, parce que la présentation d'une image s'accompagne d'un commentaire oral (que je retranscris parfois de manière synthétique dans les commentaires du support) dont je veux m'assurer qu'il est écouté; or, je sais par expérience qu'un lecteur qu'on expose à un contenu textuel va consacrer son attention sur la lecture du texte plutôt qu'au commentaire oral qui l'accompagne (et qui est souvent redondant lorsque le contenu est textuel).

Pour illustrer ce propos, prenons l'exemple de la présentation d'un itinéraire. Imaginons que je souhaite rejoindre en transports en commun le site Capgemini d'Eisenhower sur Toulouse depuis le site du B612, situé de l'autre côté de la ville. Ma recherche sur le site de Tisséo (gestionnaire du réseau de transport en communs de l'agglomération toulousaine) propose la description textuelle suivante de ce trajet: 

Une image vaut mille mots

Le texte est parfaitement complet et permet de comprendre quelles sont les différentes étapes du trajet. Néanmoins l'analyse du texte est assez lourde et ne met pas en évidence les éléments les plus importants du trajet. On ne voit notamment pas immédiatement l'importance relative des étapes; on doit, pour ce faire, s'appuyer sur les horaires des étapes et sur les distances en mètres pour les étapes piétonnes. La tentation, avec une description textuelle, d'entrer dans les détails est également assez importante: ici on voit des étapes piétonnes d'une distance de quelques dizaines de mètres, voire de moins de dix mètres, jusqu'à un trajet d'un mètre seulement. Naturellement, cet itinéraire est calculé par un algorithme qui ne se soucie pas forcément de ce genre de détails, mais dans le cas d'une description textuelle supposée décrire une structure logicielle, le même risque existe de ne pas proposer un niveau de lecture homogène. Une image permet en un clin d'oeil de fournir les informations synthétiques essentielles.

Une image vaut mille mots

Cette image, composée à partir des représentations cartographiques du site Tisséo, permet de proposer une vue très générale du trajet et d'en identifier les étapes principales:

  1. Section piétonne pour rejoindre l'arrêt du 78,
  2. Ligne 78,
  3. Ligne B,
  4. Ligne A,
  5. Ligfne 53,
  6. Section piétonne pour rejoindre le site d'Eisenhower.

Un zoom sur le trajet de départ et le trajet d'arrivée permet d'adapter le niveau de lecture pour éclairer le lecteur sur ces étapes pour lesquelles l'échelle globale ne permet pas d'avoir les informations essentielles. Cet effet de "zoom" s'applique tout à fait pour la présentation d'une structure logicielle; certains éléments de la structure jouant un rôle important dans le fonctionnement du système peuvent être mis en évidence pour mieux appréhender une dynamique globale.

On notera également que la composition proposée n'est pas purement graphique; toute représentation doit nécessairement s'accompagner d'éléments textuels. C'est ici le cas pour la numérotation des lignes et pour la mention des points de départ et d'arrivée. Dans la description d'une solution logicielle, il en va de même: il est nécessaire d'intégrer des éléments textuels qui apportent du sens. Je ne reviendrai pas ici en détails sur l'importance de nommer correctement les composants d'une solution logicielle, mais l'exercice d'annotation d'une représentation graphique, en vue d'y apporter la sémantique nécessaire à la compréhension, relève du même exercice et répond aux mêmes besoins.

L'efficacité d'une image pour communiquer tient aussi au fait que la sémantique ne repose pas exclusivement sur les annotations textuelles mais également sur des conventions de formes et de couleurs. Dans notre exemple, il n'est pas nécessaire de préciser comment interpréter la relation spatiale existant la carte et le territoire. Régulièrement exposés à ce mode de représentation, nous savons faire cette mise en relation sans effort. Il en va là encore de même pour les structures logicielles. Les ingénieurs logiciels et les architectes sont habitués à lire des diagrammes respectant certains standards tels que les langages UML, SysML ou autres ArchiMate.

Mais il est ici important de souligner que la convention n'est pas toujours connue de tous et qu'il faut aussi savoir adapter la présentation en fonction du public. Dans la carte du trajet proposée, on n'y voit par exemple pas d'échelle associée. L'estimation des distances est implicitement liée à la connaissance que le lecteur a de la géographie de la ville. Je suis persuadé que les lecteurs toulousains de cet article auront perçu assez nettement les distances parcourues; c'est beaucoup moins évident pour les lecteurs ne connaissant pas la ville rose. Pour la présentation des structures logicielles, il faut également veiller à s'assurer que tout lecteur aura la capacité à interpréter les codes de présentation. L'ajout d'une légende peut alors s'avérer nécessaire; mais si cette légende doit devenir trop lourde à interpréter, l'approche graphique pourra être reconsidérée pour laisser une place plus importante au texte.

La question de la légende est également un aspect essentiel de l'approche visuelle. Les utilisateurs d'UML sont de moins en moins nombreux et, de plus en plus souvent, on s'appuie sur le catalogue de formes que des outils comme PowerPoint nous proposent. Dans le cas de la présentation d'une structure logicielle, le visuel se compose généralement de "boîtes et de flèches". Et on voit trop souvent des diagrammes sans légende qui amènent des questionnements qui peuvent perturber la lecture du contenu plus encore que la nécessité de lire un roman sur une feuille A4 en mode paysage. Pourquoi cette boite a des bords arrondis, et pourquoi celle-ci a des bords en pointillées ? Est-ce que les couleurs des boites ont un sens? Pourquoi certaines flèches sont orientées et d'autres non ? Et puis, que signifie le sens de la flèche ? Faut-il y voir le sens d'échange de données ou celui du transfert du flux de contrôle ? Les questions sont innombrables et, pour faire face à cette difficulté, le présentateur devra modérer sa créativité pour se limiter à des éléments visuels simples, et accompagner son diagramme d'une légende qui ne devra pas occuper la moitié du support.

Si un tel exercice devient une gageure mais qu'une représentation graphique reste l'option la plus pertinente, alors il ne faut pas hésiter à adopter une approche progressive en présentant la structure selon plusieurs points de vue successifs. Une telle technique est souvent utilisée dans le domaine du bâtiment où les architectes distinguent les plans de masse, les plans de sol, les plans d'élévation, les vues en coupe ou les perspectives, et les différents plans des réseaux (eau, gaz, électricité...)

Si je reste convaincu qu'une image vaut mille mots, ce n'est pas le cas de n'importe quelle image. Le choix des mots qui l'accompagnent, à l'écrit ou à l'oral, restent essentiels pour donner au message tout son sens.

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G
Et on n'oubliera pas que, dans toute communication, visuelle ou textuelle, il faut avant tout penser à l'information que l'on veut véhiculer. En général, cela signifie quitter sa position d'émetteur de l'information pour prendre la place du récepteur. Que va-t'il comprendre ? Que vient-il chercher ?<br /> <br /> Comme si bien montré avec l'exemple du calcul d'itinéraire, que ce soit le support textuel ou visuel focalisent sur l'exactitude de l'information... dans l'espace. Mais en tant qu'usager, est-ce vraiment cette information qui m'importe le plus ? N'ait-ce pas plutôt dans le temps que j'aimerai avoir une information au premier coup d'oeil ? Faire 100 m à pied, c'est pas faire 100 m en métro. Prendre une correspondance, c'est ponctuel dans l'espace, mais ça l'est beaucoup moins dans le temps...<br /> <br /> Bref, toute information a ses biais en fonction de qui la donne, qui la reçoit et dans quel contexte se trouvent ces deux protagonistes.
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