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Laurent COCAULT

Au mois le plus tendre

45 ans m’auront été nécessaires pour le remarquer : les derniers mois de l’année sont basées sur une curieuse numérotation qui fait de septembre le septième mois de l’année, octobre le huitième, novembre le neuvième, et décembre le dixième.

Au mois le plus tendre

Dans notre calendrier grégorien, il s’agit bien évidemment du neuvième au douzième mois. L’origine du nom de ces mois vient du calendrier romuléen qui a été le premier calendrier utilisé par les romains. Etant donné que ce calendrier pose dix mois de 30 ou 31 jours, on se doute que le compte n’y était pas et qu’il a vite été remplacé. Néanmoins il en reste quelques vestiges dans notre calendrier actuel à commencer par les mois en « bre ». Les premiers mois de l’année ont aussi survécu aux changements successifs de calendriers : Martius (devenu Mars) était le premier mois de l’année, celui de l’équinoxe de printemps qui annonçait le début des campagnes militaires (d’où l’emprunt de son nom à celui du dieu de la guerre). Aprilis (devenu Avril) consacré à Aphrodite lui succédait, puis venait le mois de la déesse de la fertilité retrouvée des champs, Maia (mois devenu Mai), et enfin Iunius (devenu Juin), le mois de la déesse Junon, protectrice du mariage et de la fécondité. Après ces quatre premiers mois « thématiques », les romains se sont contentés de numéroter les suivants. Le mois suivant Junius est ainsi simplement le cinquième mois (Quintilis) et le mois d’après le sixième (Sextilis). On arrive ensuite à nos septième, huitième, neuvième et dixième mois dont le nom nous est parvenu.

Au mois le plus tendre

Il n’aura pas fallu attendre plus loin que le deuxième roi de Rome pour que le système calendaire soit revu. C’est Numa Pompilius qui propose le calendrier pompiléen. Cette réforme consiste à ajouter 50 jours au calendrier romuléen qui sont répartis en douze mois au lieu de dix, les deux nouveaux mois étant baptisés Januarius et Februarius en l’honneur des dieux Janus (dieu des commencements et des fins, des choix, des clés et des portes) et Februa (dieu de la mort et de la purification chez les Etrusques). Vous aurez noté que le compte n’y est pas encore. En tout cas, on ajoute ces deux mois supplémentaires après le mois de Décembre ; et comme la superstition veut que les nombres pairs portent malheur, on recale les mois sur des nombres impairs : Martius, Maius, Quintilis, October se voient attribuer 31 jours ; les autres mois se voient attribuer 29 jours, sauf le dernier mois de l’année (je rappelle que c’est Februarius) qui doit se contenter du reste, c’est-à-dire 28 jours. Avec un calendrier de 354 jours, les romains constatent assez vite le décalage avec le cycle solaire annuel. Tous les huit ans, est donc ajouté un treizième mois (sans que les syndicats ne fassent pression) intercalaire baptisé Mercedonius, de 22 ou 23 jours qui suit un 23 ou un 24 Februarius. Au final, une année sur huit fait 377 ou 378 jours.

Au mois le plus tendre

Cette compensation avec le mois intercalaire, parfois oubliée par les prêtres en charge de la tenue du calendrier, n’est pas satisfaisante. Le calendrier républicain tente d’apporter une meilleure prévisibilité en gardant le principe d’un treizième mois intercalaire de 27 jours, appliqué tous les deux ans et venant empiéter de 5 jours sur la fin du mois de Februarius. Mais l’application de la règle reste imparfaite et le mois intercalaire est tantôt oublié, tantôt supprimé pour des raisons politiques.

Au mois le plus tendre

Lorsque Jules César prend le pouvoir, c’est l’occasion d’un nouveau calendrier, le calendrier julien, qui vient mettre un terme à ce treizième mois si difficile à appliquer. Les durées des mois sont alors allongées (pour atteindre leur durée actuelle), à l’exception du mois de Februarius qui reste une variable d’ajustement. Le cinquième mois de l’année toujours appelé Quintilis est rebaptisé Julius (notre mois de Juillet) en l’honneur du fondateur du nouveau système calendaire. Le fondateur de l’empire, Auguste, fera de même quelques années plus tard avec le sixième mois qui sera rebaptisé Augustus (notre mois d’Août). L’instauration du calendrier julien est aussi l’occasion d’officialiser un recalage du début des années sur le mois de Janvier. Cette décision permet de réaligner le calendrier civil avec le calendrier consulaire qui démarrait avec la nomination des consuls lors de la nouvelle lune suivant le solstice d’hiver. Le calendrier consulaire initialement aligné sur le calendrier civil avait en effet connu un ajustement pour des raisons fiscales, permettant d’anticiper le prélèvement de l’impôt de quelques mois. In fine, le choix du 1er janvier pour lancer l’année civile a été considéré comme pertinent compte tenu de son alignement avec le cycle solaire (accroissement de la durée des jours à partir du solstice d’hiver).

L’histoire de notre calendrier ne s’arrête pas là ; quelques siècles plus tard, le calendrier grégorien viendra affiner encore la gestion de l’alignement entre révolution synodique et révolution sidérale. Mais c’est une partie de l’histoire que j’ai déjà racontée…

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